Les Mal-Aimés

C’est le projet de ma vie !

Les Mal-Aimés”, c’est un programme de 4 films courts sur lequel je travaille depuis cinq ans et qui pourrait bien m’inspirer pour les cinq prochaines années.

Ça part de mon amour pour la nature et ma défiance pour les injustices. Un projet qui, depuis le 16 septembre 2020 est au cinéma, en livres et sur un site dédié.

Je raconte plein d’anecdotes sur LesMalAimes.fr mais ici je détaille mon point de vue de réalisatrice.

 
 

Tout commence par une rencontre

Un soir, une chauve-souris est apparue à la fenêtre de notre balcon. Nous habitions en ville, sur un rond-point très passant. Et elle était venue se nicher dans une petite faille de béton. Ça m’a interrogée, moi qui adore les animaux, je ne savais pas quoi faire. Était-ce sale ? Devais-je la faire partir ? La chauve-souris est souvent associée aux vampires, aux monstres, à Halloween et à la peur. Et moi, j’ai peur de tout. D’ailleurs, j’ai déjà fait un film sur la peur : Phobo. C’est un thème qui me tient à cœur.

Et donc, une autre rencontre m’a permis de changer : celle avec Boris Misiak de la LPO (Ligue de protection des oiseaux)
Il voulait me confier un projet pour sensibiliser le grand public sur le sort des chauves-souris.

— Leur sort ? Elles vont plutôt bien, non ? Il y en a même une qui vient sur notre balcon en plein centre-ville !

— Bof, elles sont résilientes, c’est sûr, mais leur population a diminué de moitié ces vingt dernières années. Principalement à cause de l’urbanisation et des activités humaines.


Moi qui voulais sauver tous les animaux du monde quand j’étais petite, le temps que je grandisse, les chauves-souris ont déjà presque disparu !

Alors, mon inquiétude des chauves-souris est passée de “est-ce qu’il faut la virer de chez nous” à “comment je vais faire pour qu’elle reste”. 
Et surtout, l’urgence, car la petite chauve-souris du balcon n’est pas revenue l’année d’après. Ni les suivantes.

Le début de l’aventure

Alors, avec Jean-Pierre Poirel, on a commencé à travailler sur un scénario. Je voulais que ce soit éclairant sur le sort des chauves-souris, mais surtout que ce soit une belle aventure. Que, pour le temps d’un petit film, les chauves-souris ne soient pas des monstres, mais des héros. Et cela n’a pas été simple. Une quinzaine de versions du scénario se sont bousculées. Et pendant que Jean-Pierre écrivait, un soir, je suis partie avec la LPO pour compter les chauves-souris à la sortie d’une grotte en Ardèche.

Une expérience inoubliable.

C’est là que j’ai su que j’étais exactement là où je devais être. La petite fille qui voulait être photographe animalière ou dessinatrice chez Disney avait trouvé sa mission de vie. L’Ikigai ! Des films, j’en avais fait des dizaines, pour des commandes, des projets personnels, des clips, des films pour enfants. C’est ma formation, c’est mon mode d’expression. Et si je n’y connaissais rien en chauve-souris, j’ai beaucoup appris et j’en apprends encore. C’est passionnant.

Pourtant, il n’a pas été simple à faire ce film !

Pour commencer, on a eu du mal à trouver des financements. Trop pédagogique, pas assez, trop sombre pour les enfants, … on a eu des revers. Puisqu’il n’y avait presque pas de budget sur le film, j’ai décidé de le faire sur mon temps libre. Mais au fur et à mesure, je devais plutôt trouver du temps libre pour travailler à gagner ma vie tant ce projet prenait de l’importance.

Je vous ai déjà parlé des nombreuses versions du scénario, eh bien il y a eu aussi plusieurs versions de storyboard, et plusieurs recherches graphiques avant de trouver le bon. Car, faute de budget, je m’étais dit que j’allais animer dans une technique simple, sans couleur car ça complique tout de mettre de la couleur dans l’animation.

On passe la seconde

Et alors qu’on est au milieu de la production de “Maraude et Murphy”, Pierre Dron, mon producteur me propose de travailler sur d’autres animaux mal-aimés, de faire un programme pour le cinéma. Bien sûr, l’idée m’enthousiasme. Je vois plein d’autres animaux mal-aimés qui mériteraient aussi leur film ! J’en parle autour de moi, pour sonder quels animaux pourraient être les prochains héros. Quand on me dit “l’araignée” je dis “beurk” certainement pas ! Déjà que ça me fait frissonner rien que de dire le mot "araignée” brrrrr.

OK

C’était donc la première chose à faire : je ne pouvais pas espérer faire aimer les animaux moches, si moi-même je ne faisais pas l’effort de surmonter ma phobie ! Et comme toujours, mon apprentissage est venu par les livres d’abord, et la pratique ensuite. C’est Christine Rollard, biologiste au Museum d’Histoire Naturelle qui a été mon guide. Si vous voulez savoir comment, allez sur lesmalaimes.fr, je l’ai interviewée ! Et j’en parle plus sur la page spécifique du film.

Donc je commence à écrire un scénario sur l’araignée, mais mon objectif premier était de faire tout un film sans montrer une seule fois une araignée (je m’étais dit que je ne voudrais jamais aller voir un film avec une araignée dedans ! ) Donc j’ai d’abord réfléchi à raconter la vie d’une araignée, à travers ses 8 yeux. Donc 8 petites cases animées. Ça aurait été marrant … Deux minutes. Mais une sacrée contrainte pour raconter quelque chose d’intéressant, et en tout cas, pas une aventure. Parce que, Dédalia, ma petite araignée, commençait à exister sur le papier. Son histoire tragique et amicale me donnait envie de voir à quoi elle ressemblait. Et j’ai commencé à la dessiner. HA! Prendre une encyclopédie des araignées à la bibliothèque, la feuilleter me donnait des frissons et des gouttes de sueurs froides. Mais comprendre comment la bestiole était constituée, pour pouvoir la dessiner, m’a fait relativiser. En fait, on est pareil, elle et moi. Et sans doute a-t-elle plus peur de moi que moi d’elle. Ainsi est née l’histoire de “Comment j’ai vaincu ma peur des humains”.

La phobie est passée au fur et à mesure. Et si vous êtes phobique, dites vous bien que c’est possible de surmonter ça. Parce que c’est handicapant, quand même et pas justifier. Gardons nos émotions fortes pour des trucs vraiment dangereux !

En parallèle, mon ami réalisateur Pierre-Luc Granjon accepte d’écrire un scénario sur le loup, mon animal fétiche. Et pour ce faire, nous rencontrons Pierre Rigaux, naturaliste spécialiste du loup, qui est devenu très populaire depuis, mais à l’époque on a pu aller faire une randonnée amicale pour qu’il nous parle de ses expériences autour de la Bête. On a cherché des traces, et on a regardé au loin, avec peu d’espoir d’en observer. Mais de discuter avec l’homme qui a vu les loups, c’était chouette.

Donc Pierre-Luc a écrit la superbe histoire de Lupin suite à cette sortie. Le seul truc qu’il ne voulait pas, dans ma liste de contraintes.

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