Nancy Guilbert, l’autrice qui bouleverse les romans jeunesse

Aujourd’hui, je te présente Old Soul de Nancy Guilbert. J’ai découvert ce livre en salon alors qu’elle dédicaçait quelques tables à côté de moi (pour mes livres Mal-Aimés). La couverture, très belle, a attiré mon regard. Les nombreuses jeunes lectrices qui venaient à sa table m’ont indiqué qu’il y avait là une source inspirante. La discussion que nous avons eue m’a convaincue qu’il fallait absolument que je lise ses œuvres. J’ai acheté Old Soul alors que je savais ma pile à lire déjà bien pleine, haha ! C’est presque un an plus tard que je l’ai lu, et j’en ai été bouleversée. J’ai contacté Nancy Guilbert, qui a accepté de répondre à une interview à propos du livre, du métier d’autrice, de ses inspirations, de sa manière de travailler. C’est passionnant !


Un loup sur la couverture ? Ça m’intéresse !

Pourquoi Old Soul m’a séduite.

Je fais la fière une fois le livre terminé, mais vers la fin, il ne fallait pas me parler sans amener un mouchoir.


Dans ma chambre d’enfant, il y avait un poster de loup, immense, assis dans la neige, qui me regardait avec ses yeux apaisés, mystérieux.

C’est devenu un animal totem, à tel point qu’il se retrouve dans beaucoup de mes projets :

1- « les femmes-loups », ma série d’illustrations

2- Phobo  mon film expérimental

3- Lupin  un court-métrage jeunesse qui fait partie du projet « les mal-aimés » LIEN LMA


OK, je suis fan de loup, mais Old Soul vous plaira aussi pour ces raisons :




1- Parce que la couverture est magnifique. Une création de Germain Barthélémy qui dessine le loup avec les éléments de nature dans les tons bleus, forcément, j’aime.

2- Parce que ça parle de non-violence Le résumé m’a intrigué, quelques lignes à peine, mais pleines de promesses : des loups, le Canada, « une ode au courage, à la nature, à la liberté et à la non-violence ». Alléchant, n’est-ce pas ?

3- Parce qu’il y a la validation de naturalistes. Une vignette « recommandé par l’association FERUS qui travaille à la conservation de l’ours du loup et du lynx en France ». Le livre promettait de parler du loup, mais pas n’importe comment ! Je connais l’association pour m’intéresser à la faune sauvage et aux animaux qu’ils défendent en particulier (Loup, ours, lynx)

4 - pour l’histoire (pas de spoiler - tu peux lire tranquille !)

C’est une histoire chorale avec quatre personnages très différents qui se passe au Canada. Une blogueuse qui parle de loups et de chanson, un adolescent des Premières Nations qui ne veut pas se conformer aux traditions occidentales, une petite fille et son frère aveugle dans une famille bourgeoise, mais toxique, un infirmier dans une unité de naissance. J’ai très vite été mordue par chacun des personnages, j’hésitais même à sauter les chapitres pour savoir ce qui arrive à l’un ou à l’autre ! J’ai tourné les pages passionnément, je n’ai pas lâché le livre jusqu’à pouvoir souffler sur une fin qui dénoue une histoire bien tricotée !

Dans Old Soul, les personnages sont peints avec amour, et leur sortie de crise est réalisée grâce à des choses positives : l’espoir, l’admiration de la Nature, le respect.

5 - Pour voyager :

Parce que tu vas voyager au Canada, tu vas prendre l’air et voir des couleurs flamboyantes dans de beaux paysages


6- Pour apprendre :

Parce que tu vas apprendre des mots en Atikamekw comme Amo (abeille) ou Wacok (renard) ou Mackikiwapokaniwon (pas facile à placer dans une discussion, je te l’accorde. Ça veut dire : préparation des plantes médicinales)

Parce que c’est bien documenté, et pour autant, cela laisse la part belle à l’imaginaire.


7 - Pour te donner envie de lire :

Old Soul se lit très vite, et on ne voit pas le roman passer parce qu’il s’agit de quatre histoires parallèles qui sonnent comment des nouvelles. Les romans de Nancy Guilbert sont connus pour mettre à la lecture des ados qui n’ont pas l’habitude de lire.

Mais aussi parce que ça va te donner envie de (re) lire Jane Eyre. Moi je ne l’ai jamais lu, et voilà que ça s’ajoute à ma PAL !

8 - Pour être touché.e

Parce que comme moi, tu vas être bouleversé.e (et ce ne sont pas des paroles en l’air) :  j’ai ri, j’ai été émerveillée, j’ai eu peur, j’ai été émue aux larmes !

9 - Pour aimer :

Parce que c’est un livre qui donne envie d’aimer. Ce genre là qu’on a envie de trouver plus souvent. Nancy Guilbert aime l’humain, et c’est contagieux. Même si certains personnages en prennent pour leur grade, c’est l’amour qui gagne.

Les extraits qui m’ont fait « WOUAH ! »

Apicirinic : « petits êtres », ni humains ni plantes, ni animaux, associés à des lutins, extraterrestres ou esprits, QI se chargent de mettre de l’ordre ou d’apporter des messages.


Extrait :

« Cette silhouette me semble d’abord irréelle et je me raisonne : “Mahikan, tu as une vision, il n’y a personne sur ce rocher : tu es fatigué (…). Ferme les yeux et lorsque tu les ouvriras, tout aura disparu.

Pourtant, je ne rêve pas. Alors je me demande si c’est une forme humaine ou un très grand pirecic (oiseau), qui représente, dans les Kitci Atisokanak, les récits fondateurs, le pouvoir de l’air et des sons.

À moins que ça ne soit les deux à la fois ? Beaucoup de personnes, à la réserve ont rapporté leurs expériences avec les anicinabecic (êtres de la forêt), ni vraiment oiseaux, ni vraiment humains, qui attirent les enfants dans les forêts, les empêchant de réfléchir par eux-mêmes. L’un d’eux a même un nom, Mikmwesu, et il joue de la flûte magique.



Par ce livre, j’ai rencontré Nancy Guilbert, autrice d’une centaine de livres et albums jeunesse. Elle aime profondément l’humain, la Nature et l’écriture. Entre deux sessions d’écriture, elle part à la rencontre de ses jeunes lecteurs et lectrices et ses échanges ont l’air d’être passionnants, mais il n’y a que peu d’interview d’elle. C’est pourquoi j’ai eu très envie de l’interroger et de partager ici ses réponses qui sont riches d’apprentissages pour tout.e écrivain.e en herbe ou pour les fans de son travail.


Je vous invite maintenant à écouter, lire ou voir l’interview de Nancy Guilbert.

écouter le podcast :

voir l’échange avec Nancy Guilbert

Lire l’interview de Nancy Guilbert

Hélène Ducrocq : J’aimerais savoir comment tu as travaillé pour écrire Old Soul. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur toi et sur le livre ?

Nancy Guilbert : Ha ! Sur moi c’est compliqué, sur le livre, c’est plus facile :)

Bonjour et merci à toi pour cette interview. Ça me fait super plaisir de parler de ce livre qui me tient beaucoup à cœur.

Pour ce livre, j’ai commencé par la fin. Toi qui connais l’histoire, tu vois comment j’ai tricoté les personnages. Je ne peux pas tout dévoiler, mais l’idée m’est venue principalement avec Emma et Brindille (deux des personnages principaux). J’ai ensuite détricoté le fil.

Hélène Ducrocq : C’était une de mes principales interrogations. Donc c’est une image forte qui te vient, puis tu construis une histoire dessus ? Oh lala ! Mais je me rends compte à quel point ça va être difficile d’en parler sans révéler la fin !

Nancy Guilbert : haha ! Oui, ça va être difficile. En fait, j’ai un carnet pour chaque roman. J’ai tous les personnages que j’accroche les uns avec les autres. Ça me prend beaucoup de temps en amont du roman pour construire les connexions entre les personnages. Je trouve que l’intrigue ne se tient pas tant qu’on n’a pas des personnages qui sont vraiment incarnés.

Je les assemble les uns avec les autres. Quelquefois ils changent d’identité, ils changent de famille, ils deviennent frères, sœurs, etc. Tant que je n’ai pas le tissage entre les personnages, je ne peux pas démarrer le roman.

Hélène Ducrocq : Comment fais-tu pour construire ces liens ? Tu laisses vaquer tes idées, tu écris des scènes ?

Nancy Guilbert : En général, j’ai un personnage qui est dans ma tête qui ne bouge pas - en l’occurrence pour Old Soul c’étaient Emma et Brindille. Et je m’interroge sur ce qu’il veut raconter, où il veut aller, et ça mûrit sur plusieurs mois pour que je sache où je vais. Pourquoi ils sont là et ce dont j’ai envie de parler. Parfois je change d’endroit, parce que ça ne me convient plus. C’est tout un travail d’investigation, mais qui commence souvent par les personnages.

Hélène Ducrocq : Tu laisses mûrir pendant deux mois… moi, j’ai un seul roman en cours d’écriture qui mûrit depuis 8 ans, haha ! (Chair Royale, un conte carnivore) C’est ça aussi qui fait que tu as une bibliographie énorme. Est-ce que tu dis qu’écrire des romans c’est ton métier ?

Nancy Guilbert : Oui, autrice, c’est devenu mon métier, bien sûr. Avant, j’étais professeure des écoles. Je ne savais pas du tout comment on devenait autrice. Je n’avais jamais reçu d’écrivaine dans ma classe quand j’étais petite donc c’était très abstrait comme notion. Par contre, j’écris depuis que je suis toute petite. Je peux te montrer mes premiers carnets, ceux que je montre aux enfants. On voit des lieux, des personnages.

Hélène Ducrocq : de la forêt, déjà.


Nancy Guilbert : haha ! Oui, ça ne change pas, toujours des forêts !

Je signe à la fin, j’écris le nom des auteurs.

Hélène Ducrocq : Ha ! Tu dessinais aussi alors.


Nancy Guilbert : C’était ma petite sœur qui dessinait. Je la tannais pour qu’elle fasse les dessins. Dès que j’ai su tenir un crayon, ça partait tout seul, j’avais plein d’imagination. Même à l’adolescence j’écrivais souvent, beaucoup. Après à l’âge adulte, je me suis un peu calmée, parce que j’avais un peu moins de temps. Mais j’y suis revenue. J’ai fait mon mémoire sur la littérature jeunesse à l’IUFM. J’ai toujours été passionnée par les livres, toujours été grande lectrice. Écrivaine en herbe depuis que j’ai six ou sept ans.


Hélène Ducrocq : Tu fais beaucoup d’interventions dans les écoles, tu apprends aux enfants et ados comment devenir autrice?

Nancy Guilbert : je vais de la maternelle jusqu’au lycée. J’interviens dans les médiathèques et puis un peu partout où on m’invite. Parce que j’aime bien varier les lecteurs et les lectrices. Je vais aller dans les centres sociaux, dans les hôpitaux, je suis déjà allée en prison… J’aime bien changer de lecteurs, de lectrices. Ça se retrouve aussi dans mon travail : j’aime bien varier les projets. Je m’ennuie vite et il y a des moments où j’ai besoin d’écrire court, un album, un peu comme une flèche ! À d’autres moments, j’ai besoin de m’immerger avec des personnages dans un long roman. Et j’ai des commandes aussi. C’est pour ça que ma bio est assez éclectique. Je suis humaine, c’est comme d’aller au cinéma, quelquefois on a envie d’aller voir une comédie ou un grand drame. C’est pareil quand j’écris.


Hélène Ducrocq : Tu as quand même un axe jeunesse. Même si ça va de la petite enfance jusqu’à l’adolescence.

Nancy Guilbert : J’ai écrit des romans comme « Point de fuite », « le sourire du diable » « Et derrière nous le silence » et « Old Soul » qui tirent vers ce qu’on appelle le Young Adult, et qui touche aussi le public adulte. Tout le monde me demande quand je vais écrire pour les adultes, sauf que je trouve que les adultes sont déjà touchés par mes livres et pour moi, un livre n’a pas d’âge. Clairement. On peut être hyper touché, pleurer devant un album et s’émerveiller.

Mais pourquoi pas ? J’y songe. Après on franchit des paliers.

Hélène Ducrocq : ha, mais je ne disais pas ça de manière négative. Dans le cinéma, on dit que le court-métrage est une étape vers le long… mais moi je me sens bien dans le format court, ça ne me pose pas de problème. J’ai l’impression que c’est un peu pareil pour l’écriture !

Nancy Guilbert : Ha ! moi je suis hyper fière d’écrire pour les enfants et les ados, c’est un public super exigeant ! Ils ne te laissent rien passer, ils sont cash. Quand ils n’aiment pas, ils te le disent ! Ils ont toute leur fraîcheur, leurs « oui », leurs « non ». Donc, moi quand j’accroche un ado non-lecteur, c’est une super victoire ! Je ne me sens pas du tout obligée d’écrire pour les adultes, mais j’ai envie d’essayer. C’est comme un nouveau défi. Comme quand je suis passée au roman, ou à la BD. Pour moi ce sont des challenges en fait. Mais je ne me sentirais pas plus fière d’écrire pour des adultes. C’est une manière de considérer son lecteur. Pour moi un lecteur enfant est largement aussi important. Arriver à toucher un enfant, ce n’est pas évident, contrairement à ce qu’on croit ! Un enfant se désintéresse très vite. Si le livre ne lui plaît pas, au bout de trois pages, il abandonne. L’adulte il est un peu plus opiniâtre.

Je n’ai pas besoin de la reconnaissance du public adulte.

Hélène Ducrocq : Et justement, toi qui vas directement à la rencontre du public, tu sais ce qu’ils veulent. Est-ce que ça t’est déjà arrivé d’être confronté à une sorte de censure de la part des éditeurs ? Des remarques qui disent que « ça n’est pas pour les enfants », par exemple ?

Nancy Guilbert : Oui, bien sûr. Ça dépend des éditeurs. C’est pour ça que je choisis aussi à qui je donne mes textes. S’il y en a qui sont trop à cheval sur certaines idées, qui veulent toucher le plus grand nombre, j’évite de leur proposer des sujets trop sensibles, trop difficiles. Il faut des éditeurs qui ont les épaules pour supporter parfois ce que j’écris.

Hélène Ducrocq : Old Soul touche beaucoup de thèmes sensibles !


Nancy Guilbert : Oui, donc je suis allée vers Les Éditions Courtes et Longues. Je savais qu’ils porteraient le roman et n’auraient pas peur de le défendre. Comme les éditions Gulf Stream ou les éditions Des Ronds dans l’eau. Ce sont des éditeurs qui n’ont pas peur d’aborder des sujets sensibles et même, qui le revendiquent aussi ! Ils sont capables de tout aborder, du doux et du piquant. Donc je sais que je peux aller vers eux. Je sais ce que je peux leur confier.


Hélène Ducrocq : Est-ce que ce rapport à l’éditeur il est toujours remis en question à chaque ouvrage ou tu as une forme de fidélité avec certains éditeurs ?


Nancy Guilbert : J’ai une forme de fidélité, mais je ne suis pas exclusive. Parce que je trouve que c’est trop dangereux. On est humains, on a des caractères, les choses changent… et moi je n’ai pas du tout envie d’être coincée avec un seul éditeur ou une seule éditrice. Pas du tout. On ne sait jamais ce qui peut arriver. J’ai besoin de travailler avec plusieurs personnes différentes. Et en plus je trouve que ça me scléroserait de travailler avec le même éditeur, la même éditrice, d’avoir toujours le même genre de corrections, le même genre de demande. Je m’ennuierais. Il me faut des challenges, donc je vais toucher à plusieurs éditeurs. C’est hyper riche. Ils ne fonctionnent pas tous de la même façon, j’apprends plein de choses, ils ne corrigent pas tous de la même façon, ils n’ont pas tous les mêmes attentes. Du coup, je trouve que j’apprends beaucoup. Après, je les choisis. Il y en a avec qui je ne travaillerai plus jamais, en album surtout. En roman, pour l’instant, ça va. Mais il y en a avec qui je n’ai plus envie de travailler avec eux, parce qu’ils ne m’ont rien apporté. Un bon éditeur t’aide à accoucher d’un texte. Il va t’encourager à aller plus loin, à creuser tel personnage, il va être très attentif à ta manière de formuler les phrases. Ça, c’est un bon éditeur ou une bonne éditrice sur laquelle tu peux compter. Qui va voir les petites failles de ton roman. Un éditeur qui te valide tout, ça fait très peur ! Ce n’est pas possible, en fait. Il y a forcément plein de choses, que je n’ai pas vues, ou on peut me dire d’aller plus loin.


Hélène Ducrocq : C’est super intéressant. Est-ce qu’il y a des textes que tu as écrits et qui n’ont pas trouvé d’éditeur et pour lesquels tu t’es demandé si tu n’allais pas les sortir toi-même ? En auto-édition ?


Nancy Guilbert : En album, oui. Mais je ne me suis pas dit que j’allais les sortir moi-même parce que je trouve que les auto-éditions, c’est très courageux. Alors, je ne dis pas qu’être auteur, ça n’est pas être courageux, aussi. Mais l’auto-édition, c’est pour moi un autre métier. On devient soi-même éditeur, on doit défendre le livre, on doit trouver l’imprimeur, courir tous les salons pour le vendre. Je trouve que c’est un boulot à côté du travail d’auteur. C’est un second métier, et je ne me sens pas les épaules pour ça. Moi je me sens les épaules pour écrire, pour transmettre, pour partager après avec mes lecteurs et mes lectrices, mais tout le côté commercial à assurer derrière, le côté diffusion, je ne l’ai pas du tout. Je ne suis pas une commerçante. Donc ce côté d’aller démarcher des libraires : il faut avoir les épaules super solides pour faire ça ! Donc, non. Quand un texte n’est pas pris, soit il reste de côté, soit je le transforme. C’est arrivé que certains textes d’album qui n’avaient pas été pris je les réutilise dans un roman. Ou alors je casse la structure et je les refais complètement. Pour les romans, ça ne m’est pas arrivé. Ils sont pris à chaque fois. Mais j’ai plein d’albums de textes qui sont restés et qui ne verront jamais le jour. Ou alors je m’en suis moi-même lassée. Il y en a pour lesquels j’ai un peu de regrets.


Hélène Ducrocq : ça veut dire qu’ils sont encore là et qu’ils attendent leur heure. Mais ce qui est difficile, c’est justement de toujours tout réinventer pour essayer de séduire quelqu’un qui va s’en emparer pour pouvoir le vendre. Ça n’est pas évident.

Quand tu as un nouveau projet, tu l’écris en pensant à une maison d’édition que tu connais ? Est-ce aussi à force d’avoir été dans les salons, d’avoir rencontré telle ou telle personne qui te fait envie de travailler avec elle ?


Nancy Guilbert : Maintenant, j’ai un petit réseau. Quand j’écris, je sais à quel éditeur ça va plaire. Mais comme je te le disais, j’aime bien les défis. J’aime bien aller chercher de nouveaux éditeurs avec qui je n’ai jamais travaillé pour savoir si ça peut coller.

Et puis, par exemple, Old Soul, il va être très bien défendu par Courtes et Longues, parce qu’ils ont ce roman de Nancy Guilbert et donc, ils le défendent à fond. Si je leur avais proposé  Et derrière nous le silence , je pense qu’ils l’auraient accepté, mais ça aurait été peut-être compliqué pour eux de défendre deux projets qui ont des thèmes un peu similaires. Un autre éditeur va le défendre avec sa fougue d’éditeur, sur ce sujet-là. Donc si je propose un nouveau roman à Courtes et Longues, il sera vraiment différent.

Hélène Ducrocq : Moi ce qui m’a séduit, c’est d’abord que ça parle des loups. Et du coup je me demandais : comment as-tu travaillé avec l’association FÉRUS ?


Nancy Guilbert : C’est l’éditeur. Je ne connaissais même pas cette association. Moi je défends WWF ou les chiens guides d’aveugle, très classiquement. C’est les éditions Courtes et longues qui a démarché plusieurs associations et FÉRUS a répondu positivement.


Hélène Ducrocq : Et comment as-tu étudié le loup ? Parce qu’il y a de vrais morceaux de loups dans ton livre.


Nancy Guilbert : Haha ! C’est vrai. Quand Brindille parle de Kazan et de Bary chien-loup, ce sont vraiment des lectures que j’ai faites moi. Je crois que je connais les deux livres par cœur. Ce n’est pas du loup fantasmé où le loup devient copain. Le loup, il faut le respecter dans ce qu’il est. Par contre, j’ai une grande admiration pour le loup. C’est un mal-aimé ;-) juste parce qu’il est en concurrence avec l’homme. On parle des lions dans la savane qui mange de la gazelle et de l’antilope. Comme ces animaux-là sont sauvages, on ne va jamais traiter le lion de carnivore cruel. Le lion est noble, c’est le roi des animaux. Mais le loup, il s’attaque aux brebis et que les brebis « appartiennent » aux hommes, alors il devient un ennemi.

Et moi, ça, ça me révolte. Le loup est né loup. Faut bien qu’il se nourrisse. S’il y a un loup près d’un troupeau, il a son instinct de chasseur. Moi, je ne suis pas là pour défendre les loups ou les bergers. Mais je dis juste qu’il ne faut pas ostraciser le loup.

20’11


Il a son instinct, il tue pour manger, mais il n’est pas pire que nous les carnivores (moi, je le suis de moins en moins), qui envoyons une quantité de moutons à l’abattoir ! Moi, ça me révolte de voir les gens s’indigner des attaques de loups alors qu’ils sont les premiers à manger des steaks hachés et ça ne les dérange pas d’envoyer autant d’animaux à l’abattoir et de dire que le loup, il faut le détruire. Ça me laisse songeuse, en fait. C’est assez incohérent comme vie ! Du coup, le loup, je devais avoir 8-9 ans quand j’ai lu ces romans qui sont quand même assez durs, mais le loup ne m’a jamais fait peur. Il y a des enfants qui ont peur du loup. Moi, je n’ai jamais eu peur du loup.

Hélène Ducrocq : C’est curieux ce mécanisme de la peur. En ce moment, je travaille sur un film sur le requin, et j’ai rencontré une petite réunionnaise de 5 ans dont l’oncle surfer a été mordu deux fois pas un requin, mais elle n’en avait pas peur. Par contre elle avait peur du loup. C’est marrant quand même ! Il n’y a pas l’ombre d’un loup à la Réunion.


Nancy Guilbert : Oui, c’est tout ce qu’on véhicule. Personne n’a peur des lions. Les lions c’est super dangereux.


Hélène Ducrocq : Les hippopotames, apparemment, c’est le pire !


Nancy Guilbert : Si on se met à courir au milieu d’un troupeau de lionnes dans la savane, je ne donne pas cher de notre peau ! Mais voilà, la lionne, le roi lion, ça fait peluche. Je suis désolée, mais c’est un animal sauvage, on doit le craindre et le respecter. Mais si je me retrouve face à un loup qui a déjà mangé, je n’aurai qu’une envie, c’est de le caresser ! Je n’ai absolument pas peur !

Le loup chasse, il mord parce qu’il se sent en danger. J’ai regardé énormément de films sur les loups, la façon dont on les soigne. Mais le loup à mon avis n’est pas plus dangereux qu’un chien que je croise dans la rue, mal dressé, pas tenu en laisse. J’ai déjà été mordue par un chien. En pleine rue quand j’étais petite. Parce que le propriétaire ne maîtrisait pas du tout le chien.

Et je suis aussi défenseuse des requins. J’ai écrit « Opération requin » qui a eu le prix Planète Bleue pour La Défense des animaux. C’est pareil, il faut faire très attention quand on écrit sur ces animaux là. Et c’est bien que les associations aient un œil sur ce qui est écrit.

FÉRUS ont du lire ce que j’avais écrit, ils l’ont validé. Là c’était Nausicaa dans un aquarium du Nord de la France qui défend les requins, c’est pareil, ils ont eu un regard dessus. Je trouve ça bien. Ils valident mon travail, je me dis que je n’ai pas raconté trop de bêtises !

Hélène Ducrocq : Justement, en amont, est-ce que tu travailles avec des scientifiques ou des spécialistes ?


Nancy Guilbert : Je vais beaucoup lire de reportages et de documentations. Je me renseigne énormément. Soit des livres, soit par internet. Mais internet on trouve beaucoup de bêtises, donc parfois il faut beaucoup fouiller. Faut aller chercher des reportages faits par des professionnels où on sent la véracité, l’authenticité. J’en ai vu beaucoup, beaucoup !

Il y a un passage (assez dégoûtant) où je parle de la hiérarchie d’une meute de loups. Le garde, pour s’intégrer à la meute mange certaines parties de la bête. Ça c’est vraiment arrivé, je l’ai vu dans un reportage. Je prends beaucoup de notes. Dans mon ordi, tous mes livres sont classés par dossier et j’ai des tonnes de documents sur chaque livre.


Hélène Ducrocq : Dans Old Soul tu as augmenté la difficulté en plaçant l’histoire au Canada, en parlant des Premières Nations. Tu as visiblement appris à parler cette langue…


Nancy Guilbert : C’était un vrai challenge. Je m’étais mis en tête que pour l’histoire de Mahikan il y aurait une phrase en Atikamekw pour chaque entête de chapitre. Au bout de quelques chapitres, je me suis dit : « qu’est-ce que j’ai fait -là !! ». Il fallait que je trouve de vraies phrases ! Alors ça tourne un peu toujours autour de la même chose, parce que voilà, je ne parle pas cette langue donc il fallait que j’aille sur des sites que cherche des documents écrits par des habitants des Premières Nations et pas par des gens qui fantasment dessus. Donc je me suis enfilé de gros pdf de gens qui ont fait des thèses dessus. J’ai lu énormément. Et les chapitres de Mahikan sont un peu fastidieux à lire parce que j’y ai inclus plein de mots. Mais c’est fait exprès. Parce que ces habitants des Premières Nations sont toujours en train de s’habituer à nous, à nos coutumes, on ne mesure pas l’effort qu’ils font ! Alors, à nous, lecteurs d’aller et de voir ce que ça fait de s’immerger dans un monde inconnu. Avec des mots inconnus, des coutumes inconnues. Ça nous oblige à aller creuser. À chaque nouveau mot, aller découvrir sa traduction. Immerger le lecteur et la lectrice dans cet univers.


Hélène Ducrocq : Bon, tu dis que c’est fastidieux à lire, mais pas du tout ! J’ouvre le livre et je tombe sur une page où il y en a trois (ça fait cinq lignes) ça va !

Ce n’est pas des blocs de textes de fou. En plus, même si on ne lit pas la traduction, on est à même de comprendre.


Nancy Guilbert : oui on a le contexte. Mais j’ai fait ça pour les amoureux des mots. Je fais partie des amoureuses des mots, je rêverais de parler comme les Atikamekw. « Moi, je pars en vacances le mois où les fraises fleurissent, rougissent » « Je reviens quand la lune se mire sur la glace », c’est tellement poétique ! Je ne pouvais pas ne pas prendre ces mots ! Quand j’étais en train d’écrire, je le retenais, là, un peu moins, mais à l’époque quand j’étais en train d’écrire Old Soul , je les retenais ! Je savais comment on dit « pantalon » « pain », ça me restait et comme tu dis, on n’est pas obligé de lire les traductions, c’est vrai. Si on ne sait pas quel mois ça se passe, c’est pas très grave. Par contre, celui ou celle qui a envie d’aller creuser, il ou elle a la matière.


Hélène Ducrocq : Si pour des gens ça frêne la narration, ça vaut le coup de se laisser immerger et d’y revenir après. Moi ça ne m’a jamais interrompue. Ça rend bien aussi l’état d’esprit du personnage, qui est toujours entre deux mondes et du coup, lui aussi il fait des aller-retour entre la tradition et le monde occidental.


Nancy Guilbert : Oui c’est cohérent. Bon je ne peux pas révéler quand ça se passe, mais bon, il est à cette frontière entre les deux cultures qui doit être tellement compliquée à vivre ! Moi je l’ai vécu à toute petite échelle parce que je suis du Midi et je suis partie vivre dans le Nord de la France un bon moment, et juste à mon échelle en restant en France, c’était déjà difficile ! Donc je me dis, qu’est-ce que ça doit être quand on change complètement de culture ? C’est un grand bouleversement, on ne doit plus savoir où on est… et moi, je suis très sensible à ça !


Hélène Ducrocq : Oui, Mahikan est étranger sur ses propres terres.


Nancy Guilbert : Il le dit qu’il ne sait pas quoi choisir. Les autres jeunes ont envie de cette nouvelle culture, mais lui il est attaché aux traditions, à ce que son grand-père lui raconte, que c’est beau. Mais du coup il est même à l’écart dans son propre village. Ça aussi je voulais le montrer : qu’il y a cette disparité entre lui et les autres. Les autres qui veulent se moderniser, faire comme les blancs, et lui, il n’a pas trop envie. Il trouve que les coutumes de ses ancêtres sont belles, il se sent bien avec ça.


Hélène Ducrocq : Par curiosité, quand tu as écrit Old Soul, tu disais que l’éditeur avait apporté quelque chose, un regard, qu’il te faisait approfondir des choses. Est-ce que tu te souviens s’il y a des choses qui ont vraiment été transformées par le regard extérieur ou c’était déjà assez cohérent ?


Nancy Guilbert : Oui, le roman était construit de façon cohérente, donc ça n’est pas sur le fond qu’il m’ait dit quelque chose. C’était plutôt sur des répétitions, je ne m’étais pas rendu compte que j’avais répété plein de fois « à plein poumons ». Je l’avais répété au moins quinze fois, il m’a dit « tu respires beaucoup ! ». Donc j’ai dû faire un peu d’élagage, et il y avait des expressions comme ça. C’est l’œil de l’éditeur. Mais pour Old Soul, non pas tant de corrections. Je l’ai écrit en deux temps. Je l’ai démarré en 2019. Je n’avais pas eu le temps de le finir parce que j’avais eu trop d’interventions. Et quand il y a eu le confinement en mars 2020, que tout s’est arrêté brutalement, j’ai eu une petite période de sidération, et puis j’ai repris Old Soul. J’ai eu une coupure nette. J’ai dû me réimmerger, c’est dur de revenir sur un texte qu’on a lâché. Et du coup, là, l’éditeur a été d’un grand soutien. Parce qu’il m’a dit «  j’attends ton roman ». Et le fait qu’il me dise ça, ça m’a donné du courage. Et je me suis remise dans ma bulle. Et comme il n’y avait plus aucune intervention, il n’y avait plus rien en 2020. Je n’ai fait qu’écrire sur Old Soul. J’étais complètement immergée, chapitre après chapitre, c’était ma bulle d’air au Canada.


Hélène Ducrocq : à pleins poumons !


Nancy Guilbert : Haha ! Oui, il devait y avoir quelque chose de très symbolique parce que je l’ai vraiment mis partout.


Hélène Ducrocq : Ça fait presque un an que je te l’ai acheté au festival Fréquence Lire à Valence. Et j’ai l’impression que je lis, sans faire exprès, des livres par thématiques. Et là j’ai lu plein de livres avec des voyageurs, du voyages.


Nancy Guilbert : Haha ! Oui je pense que les gens ont besoin de voyage en ce moment.


Hélène Ducrocq : Oui, quand tu l’as écrit ça t’a fait voyager à cette période un peu compliquée et puis on le ressent vraiment quand on lit, on part loin dans un univers qui n’est pas familier et il y a autre chose aussi dont je ne peux pas parler sans spoiler, mais merci de nous avoir partagé ta bulle.

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Nancy Guilbert : Oui je pense que j’en avais vraiment besoin. En fait, j’ai un carnet où je mets des photos, des images. Voilà le fameux pont où il a été abandonné quand il était petit. Et puis je voulais que toutes les distances fassent vrai donc je suis vraiment allée googueuliser les lieux pour voir combien de temps il faut entre les villes. Ça me prend vraiment beaucoup de temps de faire tout ça. Mais c’est important pour la cohérence, pour que ça soit vraisemblable. Et en fait, quand j’écris et ça depuis toute petite, je vois les lieux, comme si je filmais la scène. Voilà le village, je vais l’imaginer, la cabane, la forêt dans ma tête c’est hyper clair !

Les carnets de Nancy Guilbert

Les résidences d’artistes

Hélène Ducrocq : Est-ce que tu aurais voulu écrire sur place ? Bon, là, ça n’était pas possible, mais est-ce que ça t’aurait plu ?

Nancy Guilbert : Ha ! J’aurais adoré. Il y a même des gens qui ont cru que j’étais canadienne, que j’avais vécu là-bas. Mais non. Je suis allée beaucoup sur des blogs de voyage aussi. Des gens qui racontent leurs voyages. Du coup ils mettent des photos, et ils sont submergés par l’émotion, ils montrent des lieux et je n’ai plus qu’à aller dessus. Alors ce n’est pas pareil que d’y être vraiment, mais j’ai regardé des vidéos. Beaucoup de gens partagent ça sur internet. C’est super intéressant. J’allais googliser pour voir si c’était cohérent par rapport à l’histoire, mais c’était intéressant et que du vrai. Les gens disent où ils sont passés, où ils ont mangé - alors je prends des notes. Mais c’est un petit rêve de le faire en vrai ! Allez allez ! Je compte bien le faire.

Hélène Ducrocq : J’ai vu que tu étais partie en résidence au Mont-Blanc ? Tu as une histoire qui se passe dans ce lieu ?

Nancy Guilbert : C’est la condition de la résidence. Que ça se passe à Saint Gervais. Donc j’y vais en trois fois. Et le but, c’est que je m’imprègne de ce lieu, des traditions pour écrire un petit roman qui sera édité aux éditions de la Passe-Vent en décembre. C’est un contrat qui est fait comme ça. Je suis la cinquième autrice à être dans ce dispositif-là. Je note plein de choses. J’ai un carnet pour écrire tout ça. Et le but, c’est que ça se passe dans cet endroit.

Hélène Ducrocq : OK, parce que j’ai acheté ton dernier roman Et derrière nous le silence  et ça se passe déjà dans la montagne. Est-ce que c’est le fait d’avoir écrit sur la montagne qui t’a permis d’obtenir cette résidence ?

Nancy Guilbert : Je ne sais pas, parce que quand ils m’ont demandé,  Et derrière nous le silence n’était pas sorti. Donc c’est un endroit que j’aime vraiment beaucoup. La montagne est hyper inspirante ; pour moi elle est à la fois attirante et dangereuse, protectrice parce qu’on est entouré de grands monts, mais la montagne ça peut être super flippant ! Moi, je me suis déjà perdue en forêt, et les éléments de la nature on ne les contrôle plus. C’est presque comme un personnage à part entière. La nature, la montagne, ces grands espaces, ça m’inspire beaucoup. Non, je pense que j’ai été invitée à Saint Gervais parce que j’ai fait le projet sur Archive Détective avec les archives de Haute-Savoie. C’est par ce billet-là que j’ai été invitée. Mais j’écrivais Et derrière nous le silence, je ne savais pas du tout que je serais invitée à Saint Gervais. Et ça ne me dérange pas du tout d’écrire à nouveau sur la montagne parce que vraiment c’est un lieu que j’adore. Il y a tellement de choses à dire dessus différentes.

37’36 ‘’

Hélène Ducrocq : Et c’est la première fois que tu vas en résidence ?

Nancy Guilbert : Oui.


Hélène Ducrocq : Et donc ton environnement de travail n’influe pas sur tes créations ? C’est à dire, tu n’as pas besoin d’être en mer pour écrire sur la mer apparemment ?

Nancy Guilbert : Non, j’ai cette capacité depuis toute petite. Je lisais Jules Verne et lui, il n’est pas allé dans tous ces endroits, ça n’est pas possible. Et c’est vrai que c’est une capacité. Je ne sais pas me repérer dans l’espace pour de vrai, haha ! On me lâche quelque part, c’est terrible ! En ville, zéro, je n’ai aucun sens de l’orientation. Même dans un magasin je me perds s’il est un peu grand. Par contre quand j’écris je m’en fiche de me perdre ou pas, ce n’est pas grave, je suis en train d’écrire, donc mon esprit se libère. Je suis allée plusieurs fois à la montagne, à la mer je sais ce que c’est les sensations, les émotions. Et tout est amené par les personnages. La description est là, mais le personnage joue beaucoup.

Hélène Ducrocq : Et donc quand tu écris, pour ne pas te perdre, tu sèmes des petits cailloux ?

Nancy Guilbert : Mes personnages, soit ils sont à l’opposé de moi, ça m’amuse comme Mahikan qui sait se repérer, qui connaît chaque rocher, ce n’est pas moi du tout. Et puis, j’ai des personnages comme Brindille qui va tout préparer soigneusement, qui a peur de se perdre. Dans le prochain roman que j’écris, ça se passe en Ardèche, (sortie mars 2023), il y a vraiment une scène qui est quasiment autobiographique où je me suis carrément perdue jusqu’à devoir appeler les pompiers ! Parce que je me suis vraiment perdue. Il y avait du brouillard et d’habitude je me repère avec le soleil, et là, sans le soleil j’ai tourné en rond très longtemps.

Hélène Ducrocq : Tu as eu de la chance de pouvoir appeler !

Nancy Guilbert : Oui il me restait 4 % de batterie ! Et c’était la nuit.

Hélène Ducrocq : Ha l’angoisse !

40’33’’


Nancy Guilbert : Les lecteurs ressentent quand il y a de l’authentique. Je tricote l’authentique et le fictif. Ce n’est pas une autobiographie non plus, mais j’aime bien mêler des expériences que j’ai vécues ou celles de mes proches, pour faire ma petite salade. Ça rend l’émotion vraie, on se met dans la peau des personnages, c’est important.

Hélène Ducrocq : Je confirme, dans Old Soul, on se met bien dans la peau des personnages et on ressent vraiment leurs émotions. Et même, tu décris un personnage assez violent, bon, ça se voit que ça n’est pas toi. Mais c’est vrai que c’est important de ne pas être tous ses personnages, mais de savoir les raconter quand même. Comme tu le dis, Jules Verne n’a pas été dans tous les endroits qu’il a décrits ! Et d’ailleurs : as-tu déjà écrit de la science-fiction ?

Nancy Guilbert : J’ai une petite série qui arrive, mais ça n’est pas de la science-fiction, c’est de la fantasy.

Hélène Ducrocq : Ha oui tu m’as parlé en off d’une histoire avec des dragons ! J’ai hâte de voir. Oui pour en revenir à la science-fiction par exemple, les auteurs de SF n’ont pas été visiter toutes les planètes qu’ils décrivent non plus.

Nancy Guilbert : Voilà, on a vraiment le pouvoir de tout imaginer, de se projeter et puis moi je passe vraiment par les émotions des personnages. Les sens. Qu’est-ce que je ressens, qu’est-ce que j’entends, qu’est-ce que je vois quand je décris une scène ? La sensation sur la peau ? Je suis déjà très attentive à ça dans la vraie vie donc ça n’est pas très difficile de le faire pour mes personnages.

Hélène Ducrocq : Tu as l’air de faire beaucoup de recherches pour tes romans. Comment est rythmée ta journée ? Est-ce que tu fais une partie recherche, une partie écriture et une partie retravail ? Est-ce que tu as une méthode ?

Nancy Guilbert : Je n’ai jamais deux journées pareilles. Des fois je me la programme, sur un papier je fais une to-do list et ce n’est pas du tout ça qui se passe ! Parce que je vais avoir un mail, que je dois retravailler un truc en urgence, ou que tout à coup j’ai une idée qui me vient et il faut absolument que je l’écrive, ou je suis simplement trop fatiguée pour faire tout ça et je vais préparer mes ateliers d’écriture. Et puis tout à coup je suis obsédée par une idée et je fais me faire des journées entières de recherche. Je ne peux pas pondre le roman tant que je n’ai pas 80 % des infos pour pouvoir l’écrire. Il faut vraiment que je sois immergée dedans, il me faut tout un temps, comme une bulle. Tant que je n’ai pas toutes ces données, je suis trop dans le flou.

43’57’’

Hélène Ducrocq : Alors tu as cet important travail de recherche, puis tu laisses décanter pendant trois ou quatre mois et après tu te mets à fond dans l’écriture… Mais si je me souviens bien, tu m’as dit que tu avais une dizaine de parutions par an, du coup est-ce que ta semaine est morcelée entre différents textes ?

Nancy Guilbert : Je me fais un planning. Je sais combien de temps il va me falloir pour faire ces recherches-là. Je fais un planning et je peux dire à mes éditeurs quand je suis en mesure de délivrer le manuscrit. Par exemple le roman à Saint Gervais j’ai commencé à prendre plein de notes, c’est en train de travailler dans ma tête, mais pendant ce temps j’écris sur autre chose. Mais j’ai amassé beaucoup de documents à un moment donné, j’ai fait de grosses compilations. Mais là ça travaille tout seul en fait ! Et je ne peux pas écrire sur le roman de Saint Gervais, la maintenant ; c’est trop tôt pour moi. Il n’y a pas assez d’infos. J’y retourne une deuxième fois début avril, ensuite j’y retourne fin juin. Donc je verrai Saint Gervais à plusieurs périodes de l’année. Je prends des renseignements sur les personnages, des personnes qui ont vraiment vécu là qui peuvent m’aider pour la trame de mon roman, mais je suis incapable d’écrire maintenant le roman pour Saint Gervais. C’est trop tôt.

Hélène Ducrocq : C’est intéressant alors, tu connais bien ton processus et quand tu peux ou non écrire. Ça vient avec l’expérience, ça, j’imagine ? Connaître sa méthode de travail ?

Nancy Guilbert : Oui, c’est ça. Mon outil c’est le carnet. Chaque personnage s’étoffe au fur et à mesure. Tant que je ne le sens pas, ce personnage, je n’écris pas. Là ça fait un moment qu’il y en a un qui me travaille dans la tête, depuis presque deux ans ! Tant que je ne le sens pas, tant que je n’ai pas son fil rouge, tant que je n’ai pas assez creusé sur ce personnage, je ne pourrai pas écrire dessus. Voilà, chacun a sa fiche de lecture, j’y reviens jusqu’à ce que j’ai l’impression de les avoir déjà rencontrés, qu’ils soient devenus presque comme des amis. Et que j’ai suffisamment de matière. Et après, il y a une évidence, je me dis : ça y est, j’ai assez de choses et là je peux y aller. Mais quand j’y vais, il faut que dans ma tête je sois disponible. C’est ça aussi. Quand j’ai trop d’interventions scolaires, ça ne sert à rien, je ne peux pas me lancer dans le travail d’écriture. Parce que j’ai besoin d’un temps d’au moins quinze jours trois semaines à fond pour passer les 100 000 signes. À ce moment-là, le roman existe dans ma tête. Donc je me dis 100 000 signes, à raison de 10 000 par jour, il me faut 10 ou 15 jours, il n’y a pas d’autres solutions. Si je n’ai pas trois semaines devant moi, je n’y vais pas.

Tant que je n’ai pas passé le cap fatidique des 100 000 signes pour un roman ado, j’ai l’impression qu’il n’existe pas vraiment, les personnages n’ont pas vraiment de consistance. L’histoire n’a pas pris sens.

Et comme je sais que je suis capable d’écrire quand je suis en forme jusqu’à 10 000 signes par jour. Donc tant que je n’ai pas cette énergie là, et mentale et physique (parce qu’il faut les faire les 10 000 signes par jour), je sais que je ne peux pas commencer.

Hélène Ducrocq : Oui c’est beaucoup 10 000 signes par jour ! Quand je fais le Nanowrimo , la règle c’est d’écrire 1667 mots par jour pour arriver à 50 000 mots à la fin du mois (l’équivalent d’un petit roman.) Ça me prend entre 1 h 30 et 3 h par jour.

Nancy Guilbert : Ha oui c’est un sacré boulot !

Surtout que des fois on n’est pas content de soi en plus. Ou alors j’ai une scène que j’ai tellement envie d’écrire donc je l’écris, et en fait elle est trop tôt dans le roman. Mais comme j’ai tellement envie, je l’écris, et puis quand je la raccroche aux je me rends compte qu’il manque deux trois chapitres ! Et il va falloir les écrire ces chapitres. Et il y a des scènes, on n’a pas envie de les écrire ! Mais on est presque obligé ! Parce que sinon ça ne va pas être cohérent.

En tant qu’autrice, j’ai envie que les personnages se rencontrent, qu’ils vivent cette scène-là, mais avant il faut passer par d’autres choses.

Hélène Ducrocq : Hmm, oui, il y a des scènes de Old Soul qui ont dû être difficiles à écrire, j’imagine ?

Nancy Guilbert : Alors ça ne sont pas les scènes les plus dures psychologiquement qui sont les plus dures à écrire ! Des fois il y a tellement d’intensité que les mots courent tout seuls. C’est dur, pour l’émotion, mais ça va tout seul à écrire. Tous les chapitres de Brindille qui sont honnêtement les plus difficiles, ça a été pour moi les plus rapides à écrire, paradoxalement.

Et là je me heurte à un drôle de phénomène c’est que j’ai de plus en plus de jeunes lectrices qui veulent lire Old Soul sur les salons. Donc elles ont 10 ou 11 ans. La couverture du loup, le résumé leur plaît, et moi je ne fais pas partie de ces auteurs ou autrices qui s’en fichent et qui appliquent la méthode du « lit qui veut ». Moi je prends quand même soin du lecteur ou de la lectrice, surtout quand c’est un jeune, et donc je suis obligée de prévenir que les chapitres de Brindille sont difficiles et je m’en voudrais de ne pas le dire. Je préviens le parent. Là, je reviens du Bouscat et il y a eu un nombre de fois important où j’ai dû discuter avec les parents parce que l’enfant supplie de prendre le livre ! Et moi je lui dis « ce n’est pas que je ne veux pas que tu le prennes, c’est que je veux qu’il y ait un adulte qui t’accompagne dans ta lecture. Avec qui tu peux discuter des passages de Brindille parce qu’ils ne sont pas faciles. »

Hélène Ducrocq : Et oui, c’est génial ! Je me demandais si des fois tu avais des révélations avec des lecteurs, lectrices qui viendraient te voir en te parlant de leurs problèmes ? Parce que le livre parle de violence au sein de la famille. Personnellement, je crois au pouvoir des œuvres pour catalyser les discussions. Ces petites filles qui veulent absolument lire Old Soul, comment les mettre sur la voie ?

Nancy Guilbert : Moi je me dis qu’elles veulent trouver quelque chose. Je suis sûre de ça. Quand j’ai le parent en face (ce n’est pas toujours le cas), je les préviens : « attendez-vous à ce qu’il y ait des questions ». Et je trouve que les parents sont supers. Beaucoup de parents sont ouverts. Il n’y a pas que sur Old Soul, j’ai eu le cas sur plusieurs autres livres. C’est souvent les mamans alors je leur demande si elles sont prêtes à recevoir les questions. Elles me disent oui en général. Il y en a d’autres qui font plusieurs fois le tour du salon et qui reviennent sur le stand et l’enfant ne décroche pas, elle veut ce roman-là ! Moi je pense que je lisais des choses très difficiles quand j’étais jeune, je ne sais même pas si c’était pour mon âge. Mais je pense que j’en avais besoin. Donc je dis aux mamans que leurs enfants ont besoin de se confronter à ça, il y a quelque chose.

Hélène Ducrocq : Ha oui, complètement ! Après je me suis fait la réflexion : les rôles de mamans ne sont pas brillants ! Pourtant toi-même tu es mère.

Nancy Guilbert : Alors souvent on me dit que c’est le papa. Mais les adultes en général ! On me dit que je castagne beaucoup les adultes. Parce que je trouve que les adultes ne sont pas toujours à la hauteur. C’est difficile d’entendre la voix de son enfant, et même des enfants autour de soi ! Parce que ça dérange. Je fais exprès d’aller sur des sujets qui choquent. Les gens sont d’accord pour dire qu’il y a de la violence dans nos sociétés, mais dès que ça touche à quelqu’un de la famille, ou de très proche, les oreilles se ferment, les yeux aussi ! On n’entend plus on ne veut pas savoir ! C’est dur de trouver des adultes qui sont capables d’écouter la parole. Moi la première. Quand un enfant vient dire quelque chose, l’adulte va dire « mais non tu exagères » parce que ça fait peur. Moi je trouve que mes livres permettent beaucoup de dialogues.

Je suis intervenue à Strasbourg dans une classe de SEGPA avec le livre Lâche-moi un livre édité par Manyard sur le harcèlement sexuel. Tout ce que les ados ont sorti, c’est bouleversant. La prof m’a dit « ça fait quatre ans que j’essaie de comprendre le comportement de cette ado, et vous en une heure, paf ! ». Je lui ai dit que c’était parce que je n’avais pas peur d’entendre sa parole. Ça ne me dérange pas. Mais les adultes, ça leur fait peur. Trouver des adultes capables d’absorber tout ça. Ce n’est pas facile. Donc pour en revenir à Old Soul, la mère de Brindille est un peu défaillante, c’est vrai. Mais c’est toujours pareil, ça n’est pas blanc ou noir, on la comprend un peu.

Hélène Ducrocq : Oui c’est super bravo pour ça ! Tu arrives à entendre cette parole.

53’55’’

Nancy Guilbert : Oui c’est super important. On dit toujours que les ados ne parlent pas, qu’ils ne se livrent pas. Mais moi je n’arrive pas à sortir de la classe quand je fais des interventions. Il y a des tonnes de questions, ils viennent après, pendant que je range mes affaires ils sont là, parce qu’ils ont besoin qu’on les écoute. Et c’est une erreur de la société qu’on écoute trop les enfants. On les écoute trop pour certaines choses. Mais pas pour les choses indispensables. Pour tout ce qui est matériel, ça va un peu trop tout seul, mais pour les vraies émotions, les vraies choses qui font mal, bon. Mais après il y a des adultes qui sont là. Heureusement, dans mes livres, il y a des adultes qui sont là. Qui écoute. Mais c’est vrai, j’ai tendance à égratigner les adultes. Hommes et femmes, c’est vrai. Parce que c’est un constat, en fait. Un constat que j’ai fait pour moi-même, pour mes propres enfants, pour des personnes que j’ai rencontrées. La vraie écoute n’est pas facile.

Hélène Ducrocq : C’est super en tout cas. Ça résonne à plein d’endroits. Et je comprends pourquoi tu veux rester dans ce label « écriture jeunesse » parce que c’est un lieu de pouvoir, finalement.

Nancy Guilbert : Mais bien sûr ! Les jeunes à qui je parle - qui seront les adultes de demain, je leur dis « maintenant, vous ne pourrez plus dire que vous ne savez pas! Vous m’avez rencontré, et je vous ai dit les choses bien en face, et on ne peut plus se cacher derrière l’excuse du « je ne savais pas que c’était de la violence »  ou «  je ne savais pas que c’était du harcèlement » « ça, je ne savais pas que c’était non consenti » éh bien non ! On a discuté maintenant, ensemble. Donc je leur dis : «  vous êtes responsables, maintenant : vous le savez, vous l’avez entendu. Vous ne pourrez plus dire « je n’étais pas au courant ». « Je ne savais pas que ça, ça faisait mal, je ne savais pas que ça pouvait faire des dégâts. Trop tard ! » Vous avez croisé ma route !

Que de dégâts auraient pu être évités si on avait eu une conversation, si on l’avait expliqué. On a tous des choses à se reprocher, et si on avait su, on ne l’aurait pas fait. « Je n’aurais pas dit cette phrase-là, si j’avais su ».

Je trouve que la prévention vaut mieux que les pansements. Prévenir, c’est empêcher les gros dégâts et après on met combien d’années à rattraper les choses ?

59’

Hélène Ducrocq : Il y a autre chose qui m’a touchée, dans ton roman, les héros sont de vrais gentils. La quatrième de couverture annonce « une ode à la non-violence ». Et je trouve que tout ce qu’on absorbe comme violence en fiction américaine ou japonaise, surtout pour la jeunesse, il y a cette tendance à aller à la confrontation, à faire des héros qui se battent avec des armes. Ils s’en sortent face à la violence, mais en ajoutant de la violence. Et je trouve que dans Old Soul, c’est une autre réponse qui est apportée. Et c’est une autre manière de montrer une voie.

Nancy Guilbert : Oui, ça ouvre des portes. Après, on pourrait reprocher à mes personnages qu’ils fuient beaucoup. Ils vont fuir parce qu’ils n’ont pas toujours les armes justement. Brindille elle fuit, Ema ne veut pas trop parler à sa mère elle fuit elle est asociale elle a du mal à s’intégrer, Mahikan fuit son pensionnat. Ils n’ont pas toujours les bonnes armes, mais en fuyant ils arrivent quand même à rattraper certaines choses. Même en fuyant.

Hélène Ducrocq : Mais moi j’ai trouvé ça intéressant que la réponse à la violence ne soit pas une confrontation justement. Une fuite, pour moi, c’est une réponse. Pas forcément mauvaise.

Nancy Guilbert : Complètement. Mais il y a des gens qui vont te dire que la fuite n’est pas une solution. Mais parfois, il n’y a pas de solution ! Que la fuite. En tout cas ces personnages-là n’en trouvent pas d’autres. Dans Et derrière nous le silence, tu vois que Jef veut aller à la confrontation avec son frère, il est vraiment déterminé, et pour finir, il a du mal ! C’est pour ça que j’aime bien cette part d’ombre et de lumière en nous. Face à la violence, les animaux ont leur instinct, ils fuient. Parce qu’on propose toujours de parler, négocier, mais parfois le dialogue, face à quelqu’un de vraiment violent n’est pas facile. La fuite peut être une solution pour se reconstruire et revenir plus fort. e, affronter différemment, mais en tout cas, se protéger aussi.

Hélène Ducrocq : Oui c’est ça, se protéger de la violence ne veut pas dire forcément d’aller à la confrontation. En tout cas je trouvais ça intéressant d’avoir des personnages comme ça. Bon, moi j’ai été baignée de mangas et de films américains, comme beaucoup. Eh bien quand j’étais petite, je jouais au foot et je me bagarrais pas mal, je me suis même mise au karaté, mais quelque part ça ne résonnait pas en moi. Parce que cet affrontement, pour moi, ça n’est pas juste. Ce n’est pas vers là qu’on résout les problèmes.

Nancy Guilbert : Tu vas bien aimer le prochain roman que j’ai écrit alors. Parce que c’est un gamin qui a envie de se battre, et il va trouver face à lui quelqu’un qui le bat autrement, qui va le désarçonner.

1 h 3 min 25 s

Nancy Guilbert : Oui parce que je ne sais pas faire autrement, déjà à la bagarre, tu me mets sur un terrain ou un tapis ce n’est pas la peine, j’ai peur des ballons dans la vraie vie. Tout ce qui est jeu de ballon, jeu collectif c’était assez catastrophique. Donc c’est mes armes en fait, j’écris comme je suis, je n’ai pas le choix. Et je pense que les ados ont soif de ça aussi. De voir comment on peut traiter autrement. Parce qu’on a beaucoup parlé avec ces ados de SEGPA qui m’ont dit « moi je fais la bagarre tout le temps », donc ils ont été déscolarisés, ils ont été changés de collège, parce qu’en fait ils étaient toujours à la confrontation, et moi j’ai creusé avec eux. Et la prof m’a dit qu’elle n’avait jamais vu ça. On a fini ils avaient presque les larmes aux yeux, et moi aussi ! Ils ont sorti des choses, tout ce qu’ils ne peuvent pas dire parce qu’on n’arrive pas à les écouter, ils les mettent dans leurs poings. Donc si on arrive à désamorcer ça, après je trouve que les sports de combat, c’est très beau quand c’est bien maîtrisé. C’est à dire apprendre des techniques de défense sans blesser l’autre, je trouve ça magnifique. Mais la lutte pour la lutte, bof.

Hélène Ducrocq : Par rapport à ça, j’avais entendu une interview de Audrey Alwett qui a écrit Magic Charly, elle disait qu’il y avait assez peu de personnages vraiment gentils dans les romans, mais que c’était important de montrer qu’on pouvait s’en sortir dans la vie en étant gentil !

Nancy Guilbert : C’est drôle parce que je ne les trouve pas vraiment gentils mes personnages. Brindille elle pense des choses. Mes personnages ne passent pas à l’action, ils se maîtrisent, c’est dur de se maîtriser, mais ils n’en pensent pas moins. Dans les pensées ils ont envie d’écrabouiller la tête de l’autre, mais ils se maîtrisent.

Moi, c’est quelque chose que je vis beaucoup au quotidien. Du coup je vais beaucoup marcher dans la forêt. Mais c’est vrai, des fois on a vraiment envie d’être violent avec la personne qui nous agresse. Et puis en fait, on se dit que ça ne sert à rien. Ça me dit aussi quelque chose de ce que ça va chercher chez moi, quelle fragilité qui fait que tu as envie de réagir comme ça ! Et je trouve que la plus grande force, c’est la maîtrise de soi, d’arriver à tourner le dos.

Hélène Ducrocq : Tourner le dos, pour moi ça n’est pas forcément une fuite non plus. Tu dis que tes personnages fuient, mais tourner le dos, c’est s’ouvrir à autre chose.

Nancy Guilbert : Oui et trouver d’autres solutions. Quand Brindille fait son sac et qu’elle embarque son petit frère, faut quand même être sacrément courageuse. Elle n’a pas d’autre choix puisqu’on ne l’écoute pas. Elle embarque quand même le gamin, ils vont dormir dans la forêt, il faut une force extraordinaire ! Parce qu’elle ne peut pas faire autrement. Elle est trop jeune, elle ne peut pas affronter, elle a peur pour son frère, ils sont deux.

Bon, après, j’espère qu’il n’y a pas trop d’ados qui vont faire ça après avoir lu Old Soul ! Haha ! Mais c’est pour ça que je leur dis aussi qu’on est là pour les écouter. Quand je suis en intervention, je leur dis qu’il y a toujours un adulte qui est là : trouvez-le !

Ça rassure aussi les adultes, parce que comme je les ai bien égratignés dans mes romans, mais je leur dis qu’il y a toujours un adulte qui est là. Vous allez le sentir, quelqu’un qui va savoir écouter votre parole. ça peut être l’infirmière, ça peut être un prof (pas forcément le prof principal), une bibliothécaire, quelqu’un que vous allez croiser que vous allez sentir qu’il est capable d’écouter votre parole, si n’est pas le parent, parce que malheureusement il y a des parents qui ne peuvent pas. Mais il y aura quelqu’un. Parce que je trouve que les ados, il faut leur donner de l’espoir ! Certains vivent des choses vraiment vraiment difficiles. Quand je vais dans des milieux un peu favoriser, on me reproche d’écrire sur des sujets difficiles, mais quand je vais dans des milieux défavorisés, il n’y a personne qui me fait cette réflexion. Leur quotidien est hyper dur.

Hélène Ducrocq : Oui, mais même des fois dans les milieux favorisés, des fois c’est juste maquillé.

Nancy Guilbert : Oui tout à fait, comme Brindille qui vit dans sa superbe villa, elle a tout ce qu’elle veut au niveau matériel, mais ça ne va pas du tout en fait ! Ça aussi j’aime bien le dénoncer. Dans Et derrière nous le silence, c’est pareil, le papa de Yüna il la gâte, il lui offre plein de choses, mais ça ne veut rien dire.

Hélène Ducrocq : Je voudrais revenir sur un des personnages, Ema, qui écrit dans son blog. Toi aussi tu as un blog : quelle importance accordes-tu à cette manière de communiquer avec ton public ? Est-ce que tu partages la manière dont tu travailles ?

Nancy Guilbert : Je n’en fais peut-être pas assez. En général, je trouve que les invitations sur les salons, tous ces bénévoles font un travail formidable, donc quand je fais un résumé de ce qui s’est passé, c’est leur rendre hommage. Parce que c’est un énorme boulot en amont. Et donc de raconter ce que j’ai vécu, de mettre des photos, c’est mettre aussi l’attention sur eux, sur leur travail, et ces gens qui se sont investis (enseignants, médiathécaires, etc.) J’aime bien pouvoir faire ça : leur rendre un peu de ce qu’ils m’ont donné parce que moi quand je rentre des salons je suis vidée physiquement parce que c’est dur ! Mais ils me donnent tellement d’amour les lectrices, les lecteurs, le public, ils sont motivants, et donc à moi aussi de leur rendre par ces articles de blog tout ce qu’ils m’ont donné, de les remercier. Et puis, contrairement à Instagram qui est fugace, où on zappe un peu, le blog c’est un peu comme si on entrait chez moi, je laisse voir ce que je veux, on peut faire défiler les articles, on peut voir qui je suis, les thèmes. Il y a plein de gens qui ne sont pas du tout réseaux sociaux insta Facebook, mais qui me disent qu’ils sont allés sur mon blog, et qu’ils ont apprécié ma façon de travailler. C’est plus fourni, j’en mets un peu plus que sur instagram. Donc c’est vrai qu’Ema qui tient un blog, ça ressemble à ce que je fais, elle partage avec son lectorat. Le blog ça permet de raconter, vraiment. Et puis je touche aussi d’autres personnes, des enseignants, des personnes âgées.

Ça fait voyager aussi, je me dis que j’ai de la chance, j’ai voyagé avec mes livres, je suis allée dans telle ville, j’aime partager ce que j’ai vu, c’est du partage.

Hélène Ducrocq : C’est super intéressant de voir tes cahiers, ça plairait beaucoup à tes lecteurs du blog, de voir comment tu travailles, ton environnement, etc. En tant qu’aspirante autrice et en tant que lectrice, c’est vrai que j’aimerais savoir ce qui te motive, dans quel environnement tu arrives ou non à travailler. Il y a des auteurs qui peuvent travailler en crachant leurs poumons dans la cale d’un bateau (je fais référence à R.L. Stevenson, dont je parle dans cet article)  et d’autres pour qui il faut les conditions parfaites, avec la bonne température, etc.

Nancy Guilbert : C’est vrai que je le raconte tellement en intervention. Je réponds à toutes ces questions, mais je ne pense pas à tous les lecteurs derrière leurs écrans que je ne rencontrerai peut-être jamais et à qui je ne le dis pas.

Tu le sais parce que tu écris aussi, mais on a l’impression de se livrer énormément quand on écrit. J’aime bien la citation de Francis Cabrel : « Si vous voulez me connaître, écoutez mes chansons, vous saurez tout de moi ! »

Moi j’ai l’impression que quand j’écris mes livres ma vie est complètement étalée tellement je me mets dedans avec mes émotions. Sauf que du coup comme je tricote du faux du vrai, les gens ne savent pas vraiment, mais du coup j’ai déjà l’impression de beaucoup en dire à travers mes livres.


Hélène Ducrocq : Eh bien voilà avec cette interview les gens qui lisent ton blog pourront en savoir un peu plus sur ta vie d’autrice. Heu… tu dis auteure ou autrice ?

Nancy Guilbert : Autrice. C’est un mot qui existait et qui a été banni. Il revient c’est le vrai mot. Il y a des gens qui trouve que ça fait « autruche » ou qui entendent mal et qui croient que je suis « actrice » haha !

Ou je pourrais dire « écrivaine ». Mais tu vois, c’est drôle je ne me sens pas légitime. (Hélène éclate de rire) Oui, je sais, c’est n’importe quoi. Comme quoi on se met des barrages dans la tête.

Hélène Ducrocq : Comme quoi le syndrome de l’imposteur ne disparaît jamais.

Nancy Guilbert : Chez moi, il a été très violent. Il a commencé à s’amenuiser donc ça va mieux. Mais pfiou ! Je l’ai eu, je crois, jusqu’en 2019 alors que j’ai été publiée en 2011.

Hélène Ducrocq : Au bout de combien de livres, donc ?

Nancy Guilbert : Beaucoup ! Je suis à presque une centaine d’ouvrages. Il faut que je compte. Mais ce syndrome je l’ai eu très longtemps. J’en discute avec certains auteurs et autrices ou illustrateurs ou illustratrices. Ça vient de la place qu’on nous a donnée aussi en tant qu’humains, ça n’est pas que le travail. Parce que moi j’avais beau avoir eu autant de chroniques, des prix, tout ça, il y a quelque chose qui doit se débloquer en nous pour s’autoriser à écrire ce qu’on écrit ! Comme ce que j’écris ça me représente, j’ai le droit d’être qui je suis. C’est un long travail. Il y en a qui se sentent légitimes tout de suite après leur premier livre, moi il m’en a fallu vraiment beaucoup. Et puis c’est dur d’entrer dans ce milieu, d’avoir la reconnaissance de ses pairs, des libraires, de trouver sa place. Moi ça a été un très long cheminement, je suis entrée par la petite porte sans connaître personne, j’ai vraiment gravi les marches courageusement. Mais je crois que je ne le réaliserai jamais. Ça a été tellement long que je crois que j’aurai toujours ce truc de me dire que je dois prouver quelque chose, qu’on va me dire que mon roman n’est pas bon. Je suis encore là dedans, moins qu’avant, mais, je pense, pour encore un moment ! Je suis encore toujours émerveillée quand on me fait une belle chronique. C’est chouette, mais il y en a qui s’en fichent, ils n’ont plus besoin de ça, ils écrivent.

Hélène Ducrocq : tu crois ? Ça fait toujours du bien d’avoir une bonne critique et c’est toujours pénible d’en avoir une mauvaise.

Nancy Guilbert : en plus, c’est super subjectif donc il ne faudrait pas s’attacher autant aux mots de quelqu’un. Les interventions scolaires m’ont permis de surmonter ce syndrome de l’imposteur. Ce lien que j’ai avec les lecteurs et les lectrices, les enseignants. D’avoir les mots des enfants et des enseignants, c’est précieux. Parce que j’écris pour eux. Et quand les enfants ont les étoiles plein les yeux et qui me disent qu’ils ont aimé un de mes livres, ou quand les parents me disent qu’ils l’ont lu beaucoup de fois et que ça a fait du bien à leur petit. Ou ce gamin qui ne lit pas du tout et qui a accroché sur un de mes romans, tout ça, ce sont des petites choses qui s’accumulent et qui me font penser que j’ai ma place en tant qu’autrice !

Hélène Ducrocq : Question délicate : Est-ce qu’au bout d’une centaine d’ouvrages édités tu commences à vivre confortablement de tes revenus d’autrice ou est-ce que c’est toujours difficile ?

1 h 21’10’’

Nancy Guilbert : Oui j’en vis depuis quatre ou cinq ans, je crois. Donc ça fait onze ans que j’ai commencé. Mais je ne refuse aucune intervention. Je n’ai pas le luxe de certains auteurs qui vont se reposer sur leurs droits d’auteurs et qui prennent seulement quelques interventions et qui disent stop. Non, moi je suis la petite fourmi qui court partout parce que pour vivre j’ai besoin à la fois des droits d’auteurs, des à-valoir, des interventions. Donc je refuse très rarement les interventions scolaires. Je n’en suis pas encore à ce luxe-là.

Hélène Ducrocq : OK c’est intéressant, merci d’avoir partagé ça. Parce que même avec 100 livres on ne vit pas de ses revenus d’autrice ?

Nancy Guilbert : Non, déjà, il y en a qui ont été pilonnés. Il y a dont les maisons d’édition ont disparu. C’est pareil pour tous les auteurs jeunesse il y a au moins un quart des livres qu’on a faits qui ne sont plus dans le circuit parce que ça périme très vite, parce que si l’éditeur ne fait pas un énorme travail ou que le livre ne prend pas tout de suite il tombe vite dans l’oubli et il ne rapporte plus grand-chose et on ne fait plus d’intervention dessus. Donc du coup j’ai 20 ou 25 livres très solides qui me permettent de tourner sans arrêt. Ce sont mes piliers d’intervention. Le reste, ce sont des livres qui n’existent plus. Ça tourne très très vite. Surtout en jeunesse. Donc après l’éditeur des fois il continue son travail, il continue à les vendre sur les salons un peu au compte goutte. Mais quand on sait qu’en tant qu’autrice littéraire je touche entre 3 et 5 %… voilà ! Moi je vis surtout grâce aux mêmes livres qui permettent d’assurer mon travail.

Hélène Ducrocq : Comment aide-t-on les auteurs vivants ?

Nancy Guilbert : Acheter les livres en librairie. Ou ce que tu fais là : une interview, parler du travail, offrir les livres, inviter les auteurs et les autrices. En tout cas, moi, c’est comme ça que j’ai réussi à creuser ma petite place. Grâce au bouche-à-oreille. C’est super important. On se fait aussi avec sa réputation. Je l’ai vu autant en mal qu’en bien.

Je ne pense pas toujours à demander pourquoi on m’a contactée, pourquoi on m’a invitée. Soit c’est parce que le sujet du livre correspond au thème du salon par exemple. Mais souvent c’est les enseignants entre eux qui me recommandent. Pour moi, chaque intervention je fais comme si c’était la première ! C’est-à-dire je donne tout. C’est précieux. Je réponds aux questions des enfants parce qu’on ne sait jamais ce qui va découler derrière. On ne sait jamais quelle personne on va croiser. Tout est important.

Hélène Ducrocq : Tu n’envisages pas le blog comme une nouvelle source de revenu ? Ça se fait de plus en plus les auteurs qui ont des financements participatifs au mois, comme Tippeee ou U-Tip. Moi je soutiens des autrices comme Audrey Alwett et Lucile Gomez qui ont mis ça en place. Il s’agit de cagnottes que les auteurs mettent en place pour recevoir des fonds directement des lecteurs.

Nancy Guilbert : Ha bon ? Je ne connaissais pas !

Hélène Ducrocq : Ça vient des États-Unis, c’est des manières d’échanger directement avec le public. Tu partages un ouvrage qui peut être diffusé chapitre par chapitre, le public finance au fur et à mesure.

Nancy Guilbert : D’accord. Je n’y pense pas du tout à ça, ça me donne des pistes.

Hélène Ducrocq : Moi quand je lis un livre, j’aime bien retourner le plaisir que j’ai pris à lire en rémunérant l’auteur ou l’autrice directement. Surtout quand on sait qu’il touche un petit pourcentage sur ses éditions classiques. Et puis, quand j’ai aimé un livre en médiathèque ! Je me demande ce que l’auteur.ice va toucher.

Nancy Guilbert : on touche des droits sur les ouvrages en médiathèque. C’est un organisme qui s’appelle la SOFIA. C’est tout décalé, je touche les droits des livres achetés trois ans plus tôt. Chaque fois qu’une médiathèque achète nos livres, si on est inscrit à la SOFIA on touche un petit chèque. Avec ça tu peux être rassurée, on a notre rétribution des livres achetés en médiathèque. Et au contraire, c’est bien aussi parce que les livres très empruntés en médiathèque en achètent un deuxième, ou un troisième si les gens le demandent beaucoup. Du coup ça n’est pas rare que j’arrive dans une médiathèque et il y a plusieurs exemplaires d’un de mes livres. Parce qu’elles me disent qu’ils sont empruntés tellement souvent qu’ils ont dû en commander plusieurs. C’est très bien d’aller en médiathèque. Ce n’est pas du tout gênant. C’est un complément pour le lecteur. Et en général les lecteurs qui vont en médiathèque vont aussi en librairie. Donc pour moi ça n’est pas incompatible sachant qu’en plus on touche des droits de la SOFIA.

Hélène Ducrocq : Oui donc tu peux penser aux cagnottes pour entrer encore plus en lien avec tes lecteurs et tes lectrices. Comme Lucile Gomez, c’est une autrice de BD que mon conjoint Pierre Dron a aidée, car il coache des artistes. Grâce à cela, elle a un vrai revenu chaque mois, ce qui lui permet de refuser des éditions qui lui plaisent moins pour se consacrer à ce qui la passionne vraiment.

Nancy Guilbert : Moi quelquefois on me demande si j’ai une chaîne YouTube ou si je peux donner des conseils en ligne. Mais tu vois, là, c’est vraiment un domaine où je ne suis pas excellente. C’est ce que je te disais au début : je peux écrire, mais la promotion ce n’est pas mon truc. Alors j’ai mon petit truc de fourmi avec mes lecteurs, mon Instagram, mais c’est compliqué pour moi de faire ce que tu dis. Et puis je le fais en direct quand je suis invitée, mais mettre ça en place me semble insurmontable.

C’est pour ça je te dis je ne pourrais pas être autoéditée, ou devenir éditrice. Il faut être très débrouillard pour réussir comme ça. C’est une autre façon de faire. C’est un autre don pour moi, tu vois.


Hélène Ducrocq : Est-ce que ça te dirait par exemple de parler en direct avec des aspirants écrivain.es ?

Nancy Guilbert : Ha oui ! Et on me l’a déjà demandé en plus ! ça fait plus d’un an. Parce que moi mon premier roman c’est 2018, donc le temps que les gens se rendent compte que j’écris des romans. On me demande de montrer mes carnets, mes techniques, j’ai envie, mais je ne le fais pas parce que je ne sais pas le faire. Je ne sais pas la façon dont il faut s’y prendre.

Hélène Ducrocq : OK bon si ça te dit, je penserai à toi pour une prochaine intervention auprès de jeunes auteur.ices

Nancy Guilbert : Mais oui carrément ! Il y a plein de gens qui m’ont dit qu’ils s’inscriraient, qu’ils adoreraient. Qui habitent loin, qui ne m’ont jamais vu et qui voudraient m’écouter parler ! Mais je n’arrive pas à me mettre en action sur ça. Plein de fois on me l’a demandé. Même les profs doc qui trouvent que je parle bien aux élèves, mais qui aimeraient aussi que je m’adresse à eux ! Mais je ne le fais pas parce que je n’ai pas l’outil. Je n’ai pas la conception du programme.

Hélène Ducrocq : OK je te ferai passer des liens et je réfléchis à quelque chose pour toi !

Nancy Guilbert : Super, avec grand plaisir !

Hélène Ducrocq : ouh là ! Je viens de me rendre compte que ça fait plus d’1 h 30 qu’on parle.



Nancy Guilbert : T’as vu, c’est comme dans le dîner de Cons et le mec qui ne s’arrête pas de parler de ses allumettes ? Moi tu me branches sur le sujet, je ne m’arrête plus ! Des fois la sonnerie retentit et je continue à parler. Et les élèves ne sortent même pas ! Et les maîtresses disent « allez il faut que Nancy Guilbert y aille » et les enfants qui disent « mais on a encore une question » ? Haha, moi je peux rester tout l’après midi. Entre tous les livres, tout ce qu’on a à raconter… Si on veut, on ne s’arrête plus.

Hélène Ducrocq : Je suis désolée je n’ai vraiment pas vu le temps passer ! J’avais dit 20 min 30 s min.


Nancy Guilbert : Ha oui haha ! Bon maintenant faut que j’aille travailler, et toi aussi !

Hélène Ducrocq : Oui ! Normalement à 15 h je suis en live sur Twitch pour partager mon travail de réalisatrice… et il est 15h30

Nancy Guilbert : Tu m’enverras les liens vers ton travail, ça m’intéresse beaucoup.

Hélène Ducrocq : Merci infiniment pour ce partage et cet échange. Au plaisir de se retrouver à la librairie la Petite Étincelle à Valence où tu as un fan-club qui t’attend !



Pour contacter Nancy Guilbert, rendez-vous sur son site ou son Instagram.

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